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Introduction

Partie I :
Banania et son histoire

Partie II :
Pourquoi le Tirailleur ?

Partie III :
Comment l'image du tirailleur évolue ?

Conclusion

>> Annexes

Bibliographie
A propos

 

Pourquoi le Tirailleur ?

Depuis les débuts de Banania, ou plutôt depuis son succès moins d'un an après sa création, le produit issu des ateliers de Courbevoie est représenté par le Tirailleur Sénégalais. Depuis ses premiers jours, il est symbole par excellence du produit. Cependant, son arrivée en tant qu'image dans la firme est tout sauf un coup de chance. Pierre-François Lardet a choisi à cette époque un personnage historique, qu'il a su adapter à un schéma publicitaire reflétant son produit, mais de surcroit, attirant un panel de consommateur assez large. Nous aborderons donc ces trois points dans cette première partie.

 

>> Sommaire

A) L'origine du Tirailleur Sénégalais
B) Un symbole de choix
C) Les cibles qu'il vise

 

A) L'origine du Tirailleur Sénégalais

Depuis 1915, le Tirailleur Sénégalais représente la marque Banania. Mais ce choix n'est pas anodin. En effet, l'image utilisée par Banania du tirailleur Sénégalais, reprend celle des soldats qui existent réellement.

Gouverneur Général Faidherbe

Au XIXe siècle, le mouvement colonisateur engagé par l’Europe est très important. Louis Faidherbe, gouverneur général du Sénégal de 1854 à 1861, puis de 1863 à 1865 engagé par la France, mais aussi membre de l’armée, s'occupe de gérer les troupes françaises sur le territoire colonisé. Il est cependant opposé à un grand problème. En effet, un manque cruel d’effectif en provenance de la métropole pour composer les troupes se fait ressentir. C’est ainsi que pour palier à ce manque, en 1857, avec l’accord du chef de l’époque,l’empereur Napoléon III, le gouverneur Faidherbe créé alors des troupes composées de soldats africains. Le 21 juillet 1857,un traité attestant la création du corps des tirailleurs Sénégalais est alors signé.

Tirailleur Sénégalais

S'ils sont nommés "Sénégalais", tous ne le sont pas. En effet, les hommes qui constituent cette troupe viennent de toutes les parts de l'Afrique Occidentale et l’Afrique Équatoriale Française, les terres colonisées par la France sur le continent Africain. Néanmoins, ce corps n’était pas uniquement composé de soldats volontaires. Outre leur présence dans le sein du corps, jusqu’au début du XXe siècle, celui-ci se composait aussi d’esclaves rachetés à leurs maîtres, ainsi que de prisonniers de guerre.

Mais la composition de cette troupe armée ne s’est pas faite dans la paix totale. Si les autorités françaises envoyées au Sénégal ont affirmé à la métropole avoir engagé plusieurs milliers de soldats volontaires, cela n’était pas le cas. De nombreuses révoltes ont eu lieu afin de contester le choix des français, un choix pris contre le gré des soldats africains. Des contestations s’élèvent donc de toutes parts des colonies. La première ayant une importance peu négligeable se déroule au Mali. Le conflit qui dure 6 mois, de printemps à automne 1915, n’est que le premier d’une série. Celle-ci , comme toutes la autres, sont réprimées par le gouvernement colonial Français par le biais des armes. Même si des révoltes ont lieu contre les décisions prises par le gouvernement, la compagnie des tirailleurs est un élément important de l’armée française : durant la Grande Guerre, 200.000 Tirailleurs se battent sous les couleurs du drapeau tricolore. Nombreux y trouvent la mort, environ 30.000 et nombre d’entre eux ressortent blessés, voire invalides de la guerre.

A cette époque, le Tirailleur Sénégalais est l’objet d’une image contradictoire en France. En effet, bien qu’il soit « noir », le personnage connaît une très grande popularité au sein de la population en métropole. S’il est considéré comme inférieur du fait de sa « race », c’est un personnage considéré comme sympathique et loyal, depuis l’aide que les troupes sénégalaises ont apporté dans les guerres qu’ont pu connaître les français, comme celle face au Maroc et la plus importante, la première Guerre Mondiale.

C'est notamment cette dernière qui va être le point décisif concernant le choix de l'image qui représentera désormais Banania.

B) Un symbole de choix

En effet, en 1914, la France rentre en guerre face à l'Allemagne. C'est cet événement majeur qui va pousser le créateur à choisir le soldat sénégalais comme image pour sa firme de chocolat en poudre.

La Créole, première représentation de la firme Banania

Pourtant, celui-ci ne s’est pas imposé comme premier choix chez Pierre-François Lardet. Il s'avère que depuis le départ, le créateur de Banania est un homme calculateur. Il cherche dans sa publicité à mettre en avant son produit. Lardet se sert donc de ses importantes capacités d'analyse, et cherche à mettre en avant dans sa publicité ce qui touche la France à moment là, à savoir la guerre, mais aussi la colonisation, toujours présente dans les mémoires françaises.En effet, la toute première image utilisée sur les affiches de la marque était celle d’une antillaise, appelée La Créole.
La Créole est la première à symboliser l'entreprise. L’antillaise apparaît sur les boites du produit, mais aussi sur les affiches. Néanmoins, son image ne va pas rester longtemps. Entre septembre 1914 et août 1915, Pierre Lardet change 3 fois de personnage.

Le Poilu de la Grande Guerre, second symbole

L’antillaise fait ainsi rapidement place ainsi à un poilu sur les affiches, mais reste néanmoins la figure des boites métalliques bleues. C'est à l'apparition de ce dernier que Pierre Lardet utilise donc pour la première fois l'image de la guerre pour orner ses publicités. Mais néanmoins, de la même manière que la Créole, en août 1915, le poilu est remplacé sur les affiches par celui qui désormais sera inchangé.

Le Fameux Tirailleur Bananien

Le Tirailleur à l'origine, en 1915 (image clicable) ->

Tout d’abord, le Tirailleur est parfaitement dans l’esprit de colonisation, et d’exotisme, attentes de l’époque.
Il est représenté de manière caricaturale, mais très évocatrice aux yeux des français. En effet, il apparaît avec un nez et des lèvres proéminents, une chéchia rouge et bleu, une tunique typiquement africaine, et sur un décor totalement étranger aux européens.
Le dessin du tirailleur regorge de couleurs chatoyantes, qui évoquent facilement l’exotisme. De plus, celui-ci tient en sa main une gamelle de Banania, qu’il boit, s’abreuvant de « la plus nourrissante des boissons françaises », et exprime son contentement, disant « Y’a Bon Banania ! ».

L’image du Tirailleur donc, qui montre l’exotisme par sa manière abrupte de parler et ses couleurs, et qui est très content de la boisson française qu’on lui donne, touche parfaitement l’esprit de l’époque concernant le colonialisme. Puisqu’en plus de montrer le côté exotique du produit fait de banane et de cacao par le personnage, il montre aussi la grandeur française, car sans la puissance coloniale, jamais il n’aurait pu goûter cette boisson qu’il ne peut oublier C’est donc ainsi que Lardet se sert de l’aventure coloniale de l’époque dans son symbole.

Mais de la même manière, il se sert aussi du tirailleur pour toucher l’autre grand fait marquant dans les esprits, et qui est surtout plus important : la Guerre.
Lorsque l’on observe plus près le tirailleur, on s’aperçoit, que la tenue qu’il porte est en fait celle de la compagnie fondée par le Gouverneur Faidherbe, celle des soldats sénégalais. Ainsi, même si l'arme présente près du tirailleur est peu visible, il est aisé de reconnaître que c’est un homme disposé à se retrouver sur les champs de bataille. Mais ce n’est pas tout. L’un des détails les plus révélateur du dessin reste la fameuse gamelle que le soldat boit. Celle-ci est remplie de Banania, produit qui est devenu l'une des diverses ration du soldat sur le champ, par sa facilité de préparation.

Ainsi, par cette simple représentation, Pierre-François Lardet, montre l’investissement de Banania dans la guerre : le doux breuvage accompagne le soldat tout au long de la bataille. Nourrissante comme elle est, le Tirailleur apprécie cette boisson qu’il ne peut oublier, puisqu’il le ramène même au pays.
Le Tirailleur, sous son uniforme de soldat dans un paysage tout à fait exotique, mêle habilement la guerre et le colonialisme.

En insérant comme symbole de la firme une image qui mêle subtilement guerre et colonialisme, les faits marquants de l’époque, afin de montrer son implication dans le succès français, l’homme d’affaire va de la même manière, grâce à une seule image, viser plusieurs cibles qui sont totalement différentes les unes des autres.

C) Les cibles qu'il vise

Si le choix du tirailleur a été fait pour représenter d'une part les évènements de la société de l'époque, il s'avère que le créateur de Banania a aussi ingénieusement pensé à la représentation de celui-ci auprès des gens dès 1915.

En effet, la toute première apparition du Tirailleur (voir affiche ci-dessus) apparue en 1915, est accompagnée de beaucoup de commentaires, ce qui lui offre un champ d'action assez large

Le Poilu de la Grande Guerre, second symbole

Hum, Banania! Et vous ?

Tout d'abord, le Tirailleur Sénégalais, comme son nom l'indique, est un soldat. Soldat qui combat dans les tranchées françaises, comme chacun à cette époque le sait. Ici, sur la représentation qui l'a fait connaître, l'image du Tirailleur vise d'abord les adultes.
Le soldat, buvant sa ration de Banania dans sa gamelle, paraît heureux, et sain. Il peut donc combattre pleinement sur le champ de bataille, revigoré par la boisson.
En montrant une image positive du tirailleur ayant eu sa ration de Banania, et par extention, tout soldat français, cette représentation du Tirailleur s'adresse aux adultes. Si le soldat est en bonne santé en ayant sa ration journalière de Banania, le citoyen français peut lui aussi être dans un état semblable, être aussi bien entretenu que lui.

Le soldat et l'adulte ne sont pas les seuls à être touchés par le tirailleur. L'enfant l'est lui aussi.En effet, dès le début, le Tirailleur, représenté souriant, et naïf, par la simplicité de son langage, se rapproche des enfants. Celui qu'on nomme de cette manière "L'ami des enfants" est donc un moyen de toucher les jeunes personnes par la proximité de leur langage et de leur comportement. De la même manière que pour l'adulte, l'enfant, voyant son "ami" heureux de boire le breuvage sucré, sera influencé et aura envie de copier le comportement du tirailleur, a savoir boire son Banania.